Par Nicolas Bekaert, fondateur d’Aquacycle
Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont un vaste groupe de produits chimiques synthétiques — on en compte plus de 4 700 — utilisés massivement depuis les années 1940 dans l’industrie, le commerce et les produits de consommation.
Entièrement fabriquées par l’homme, ces substances n’existent pas à l’état naturel. Les PFAS se caractérisent par des liaisons carbone-fluor (C–F) extrêmement solides, parmi les plus résistantes en chimie organique. Cela leur confère une grande stabilité face à la chaleur, aux produits chimiques et à la dégradation environnementale. À cause de cette persistance, on les surnomme souvent « polluants éternels » (forever chemicals).
Les PFAS sont très prisés en raison de leurs propriétés physico-chimiques uniques : ils sont à la fois hydrofuges et oléofuges, très résistants aux hautes températures, aux taches, à la graisse et à la corrosion. Leur polyvalence explique leur présence dans plus de 100 secteurs, tels que les ustensiles de cuisine antiadhésifs, les textiles imperméables, les mousses anti-incendie, les emballages alimentaires, les pesticides, les cosmétiques, les dispositifs médicaux, l’électronique, l’aéronautique ou encore le bâtiment. La production mondiale annuelle de certains PFAS — comme les fluoropolymères — atteint plusieurs centaines de milliers de tonnes.
Ce qui rend les PFAS particulièrement préoccupants, c’est qu’ils ne se dégradent pas naturellement. Fait surprenant : il n’existe toujours pas de définition universellement acceptée des PFAS, ce qui complique leur réglementation. Pourtant, leur omniprésence, leur durabilité et leur toxicité potentielle les placent aujourd’hui au cœur des débats en matière d’environnement et de santé publique.
La pollution par les PFAS ne provient pas d’une seule source — elle en a plusieurs.
L’une des plus importantes est l’industrie. Pendant des décennies, les usines ont rejeté des PFAS comme le PFOS ou le PFOA dans l’air, l’eau ou le sol, en particulier lors des processus de fabrication.
Une autre source majeure est la mousse anti-incendie, notamment celle utilisée dans les aéroports, les bases militaires ou les centres d’entraînement. Ces mousses (appelées AFFF) contiennent des PFAS qui s’infiltrent dans les sols et contaminent les nappes phréatiques.
Visit produits du quotidien contenant des PFAS — poêles antiadhésives, textiles déperlants, emballages alimentaires — deviennent aussi des sources de pollution lorsqu’ils sont jetés. En décharge, les PFAS peuvent s’échapper lentement et polluer le sol ou les eaux voisines. Ils peuvent même voyager dans l’air et se déposer très loin de leur point d’origine.
Cette carte européenne répertorie les sites déjà confirmés comme contaminés par les PFAS. Pourtant, une grande partie de cette pollution reste invisible. Les analyses coûtent cher, et beaucoup de zones n’ont tout simplement jamais été testées. Ce que nous voyons aujourd’hui n’est sans doute que la partie émergée de l’iceberg.
Les PFAS sont à la fois très persistants and extrêmement mobiles.
Ils ne se décomposent pas facilement dans la nature et peuvent voyager sur de très longues distances via le vent, la pluie, les rivières ou les océans. Ils ont même été retrouvés dans des régions isolées comme l’Arctique et l’Antarctique.
Aujourd’hui, les experts estiment que plus de 100 000 sites en Europe pourraient être concernés par des rejets de PFAS — usines, décharges, aéroports, stations d’épuration, etc. Ces sources sont à l’origine de la contamination généralisée que nous commençons seulement maintenant à comprendre.
L'eau est l’un des principaux vecteurs des PFAS vers l’environnement et, par extension, vers nos corps.
Les PFAS se dissolvent dans l’eau et se propagent facilement via les rivières, les nappes phréatiques et les lacs. Cela fait de l’eau potable l’un des principaux modes d’exposition pour la population. Même à de faibles doses, une consommation régulière peut entraîner une accumulation importante dans le sang : on estime que boire régulièrement de l’eau contenant du PFOA (sous-groupe de PFAS) peut entraîner des niveaux sanguins jusqu’à 100 fois supérieurs à ceux présents dans l’eau.
Visit poissons et fruits de mer sont catégorisés comme la source d’alimentation les plus contaminés dû à la biomagnification. Les PFAS s’accumulent dans leurs tissus à mesure qu’ils vivent dans des eaux polluées. Plus l’espèce est grosse (et mange les plus petits) ou vit longtemps, plus la concentration augmente. Et comme les produits de la mer sont largement consommés, cela constitue une voie directe de contamination pour les humains.
Une grande étude publiée en 2024 dans la revue Nature, portant sur plus de 17 000 échantillons alimentaires, a révélé que :
Les PFAS passent donc des usines et décharges aux rivières, aux champs, aux océans… puis dans nos assiettes et nos verres.
Les PFAS sont maintenant présents partout — dans l’environnement et dans les aliments.
Le vrai problème, c’est qu’une fois dans le corps, les PFAS s’accumulent avec le temps. Notre organisme ne sait pas les éliminer efficacement. Résultat : même de petites expositions répétées peuvent entraîner des niveaux élevés dans le sang.
Les recherches montrent que les PFAS peuvent avoir des effets graves sur la santé. Parmi les risques identifiés :
Même si tous les PFAS n’ont pas encore été étudiés, les scientifiques s’accordent à dire que la prudence est de mise. Avec des milliers de substances différentes, il est aujourd’hui très difficile de savoir lesquelles sont les plus toxiques — un vrai casse-tête pour les autorités sanitaires.
Pendant des décennies, les PFAS ont rendu notre quotidien plus simple : poêles antiadhésives, textiles imperméables, emballages résistants… Mais aujourd’hui, on sait que ces produits ont aussi un côté sombre : ils mettent en danger notre santé et l’environnement à long terme.
Un des principaux défis est qu’il existe des milliers de PFAS différents, mais seuls quelques-uns, comme le PFOA ou le PFOS, ont été réellement étudiés. Actuellement, seulement 20 types de PFAS sont analysés systématiquement dans l’eau potable en Europe. Même si ce sont identifié comme les plus préoccupants, c’est peu comparé aux 4 700 que l’on sait exister.
Face à l’extrême persistance de ces substances et à l’incertitude sur leurs effets, beaucoup d’experts appellent à appliquer le principe de précaution : limiter l’usage des PFAS même si on ne connaît pas encore tous les risques.
> Ce que vous pouvez faire à votre niveau :
Les PFAS sont un défi mondial, mais grâce à la sensibilisation, aux avancées scientifiques et à des décisions politiques ambitieuses, nous avons les moyens de commencer à résoudre ce problème.
Sources :
AQUACYCLE
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